La fiction du roman se rapproche tous les jours un peu plus de la réalité
Le reportage de TF1INFO qui parle d’une école à Puzzoles m’a frappé : il ressemble étrangement à ce que j’ai imaginé dans mon roman VISIONS. Je ne sais pas si, dans la réalité, Lucas et Gina seront là pour nous aider, mais voir la frontière entre ma fiction et les faits se rejoindre donne des frissons.

Extrait du l’école de Pouzzoles page 42 – 47
Anno Zero Scuola était une école à proximité des champs Phlégréens, à moins de dix kilomètres à vol d’oiseau de ce monstre et de ses émanations. J’arrivais enfin à l’école primaire Anno Zero Scuola. Pour s’y rendre, j’avais longé les champs et les cratères Solfatara et le Monte Nuovo. Je mis un certain temps car on longe mais on ne traverse pas les champs. Il y a des accès touristiques pour les voir glouglouter et vaporiser, mais ce sont des culs de sac. Le chemin, lui, me parut horriblement long. J’avais comme à mon habitude loué un 4×4, avec les bateaux, c’était mon péché mignon. J’avais trouvé un Toyota Tundra, quand j’ai vu l’engin, j’ai craqué. Le loueur m’a dit qu’avec un véhicule pareil, je pourrai aller sur les pistes du Vésuve, mais que pour la ville, elle n’était pas très pratique. Pour le Vésuve, elle m’allait bien. Je garais mon monstre simplement, car l’école se trouvait dans une zone où les constructions humaines semblaient clairsemées. Il n’y avait pas une grosse densité d’habitation.
Avant de pénétrer dans l’école, je regardai ma montre, les aiguilles s’approchaient de midi. Il y avait beaucoup d’agitation entre les élèves qui ne restaient pas manger à la cantine et ceux qui étaient attendus par leurs parents. Tout le monde avait beaucoup à faire et ce qu’il n’avait pas prévu de faire, était de parler avec un fou.
Je finis par repérer le responsable de l’école qui était une directrice. Je l’interpellai en ces termes :
« Madame, il faut que je vous voie, c’est une question de vie ou de mort. »
Je n’avais pas trouvé mieux à dire.
Elle me regarda avec des yeux tout ronds, prise entre deux états d’âme : faire son travail de directrice d’école à la sortie de midi et écouter un inconnu.
J’insistai :
« Il va y avoir un drame, il faut que vous m’écoutiez. »
La directrice appela son professeur de gym, un gaillard aux cheveux coupés très court et à allure militaire qui arriva très rapidement et suspicieusement. Nous nous rendîmes tous les trois dans son bureau.
– Je m’appelle Madame Rossi, je suis la directrice. Qui êtes-vous et que voulez-vous ? dit-elle sèchement, rassurée par la présence virile de son professeur.
– Je m’appelle Luca Lefevre, vous allez avoir du mal à me croire, Madame Rossi, mais il faut évacuer votre école, les enfants sont en danger.
– Monsieur, comment pouvez-vous dire une chose pareille ?
– J’étais tranquillement en France, je m’apprêtais à partir en vacances en Algarve au Portugal quand mes rêves m’ont harcelé et m’ont obligé à venir d’urgence à Naples, pour y sauver des vies.
– Eh bien, et mon école est concernée par vos rêves ?
– Là-bas en France, je n’ai pas rêvé de votre école, mais j’ai tout laissé tomber pour venir en Italie, et c’est la nuit dernière que j’ai rêvé de votre école. Ma vie ne m’appartient plus, des sensations, des rêves me disent ce qu’il faut faire et vous, vous n’avez qu’une seule chose à faire. Vous avez juste à me croire et à appuyer sur l’alarme incendie pour faire évacuer l’école et mettre les élèves dans la cour.
La directrice demanda un instant et quitta la pièce. Luca resta avec l’armoire à glace. Quand elle revint, elle lui dit :
– Mais en fait, vous êtes complètement fou.
– Je ne suis pas fou, il faut me croire.
– Pourquoi parlez-vous Italien, c’est quoi votre accent ?
– Je suis binational, j’ai la nationalité française et italienne.
Après un silence.
– Où voyez-vous un danger, Monsieur Luca, et de quel danger parlez-vous ?
– Je ne sais pas, cela a un rapport avec les volcans et la couleur jaune, celle du soufre.
– Et vous voulez que j’évacue mon école et pour combien de temps ?
– Je ne sais pas, Mme Rossi.
– Et quand le danger va-t-il se produire ?
– Je ne sais pas.
– Mise à part « non lo so », que savez-vous dire d’autre ?
– « Niente », je n’ai pas la réponse à ces questions, je suis désolé, mais il faut me croire. Ne me forcez pas à hurler et à faire un tintamarre du diable.
– Sortez de mon établissement, hurla-t-elle.
– Non, pas tant que vous n’aurez pas évacué les enfants, je ne partirai pas.
La situation n’eut pas l’occasion de s’envenimer, deux policiers de la police municipale qui avaient été appelés par la directrice se jetèrent sur moi, me menottèrent et m’embarquèrent sous les yeux médusés des parents. La voiture de police aux vitres grillagées s’éloigna de l’école, j’avais échoué.Je tournais en rond dans ma cellule comme si on pouvait tourner en rond dans une pièce de deux mètres sur trois. J’avais fait 1200 kilomètres pour sauver des vies et me retrouver dans une cellule d’un commissariat italien, tout ça pour obéir aux injonctions de mes rêves, une situation complètement débile. Tandis que je broyais désespérément du noir, un policier italien fit cliqueter la serrure, il ouvrit la porte et ne me mit pas les menottes. Son air était grave, mais rien d’étonnant pour un policier. Il me demanda presque gentiment de le suivre. Nous grimpâmes deux escaliers pour nous rendre dans une salle qui n’était pas une salle d’interrogatoire, mais plutôt une salle de débriefing du commissariat. J’en fus extrêmement surpris, et ce qui me surprit encore plus fut la présence de Madame Rossi dans cette assemblée composée d’une demi-douzaine de personnes. Les gens étaient assis autour d’une table, et une chaise vide m’attendait. Un homme me fit signe de m’y asseoir.
– Monsieur Luca Lefevre.
– Luca, c’est plus simple pour un Italien.
– Comment avez-vous su ?
La question m’interpella, de quoi parlait-il ? Je lui fis part de mon étonnement.
– Monsieur Lucas, après votre départ, une cantinière est venue voir Madame Rossi pour lui signaler une odeur désagréable dans les cuisines, et les employés de restauration commençaient tous à tousser, il y en a même qui ont vomi. Madame Rossi s’est rendue dans les cuisines et elle-même a eu une gêne respiratoire. Elle a fait le lien avec votre venue. Elle a enclenché immédiatement l’alerte incendie. L’ensemble du personnel est rodé pour cet exercice, et l’école a été évacuée dans le bon ordre. Les pompiers sont arrivés très rapidement et ils ont constaté des émanations extrêmement nocives et dangereuses. Elles provenaient du réfectoire, une fissure dans le sol, le carrelage était disjoint sur une distance de plus de trois mètres. Le gaz était d’origine volcanique, avec des émanations à base de dioxyde de soufre et de dioxyde de carbone. Puis il y a eu l’explosion, vous l’avez entendue ?
– Oui, j’ai effectivement entendu une explosion. Mais dans une prison, je n’y ai pas prêté attention, ma vie était déjà en train d’exploser.
– Et nous en sommes désolés. L’explosion provenait du cratère Solfatara, elle a été provoquée par une forte pression de gaz. La croûte a cédé et a libéré des dizaines de mètres cubes de gaz par seconde. Au niveau de l’école, le flux de gaz s’est tari. Sans votre intervention, il y aurait pu y avoir des décès d’enfants.
L’information me prit de court. Je n’avais donc pas échoué, mais je n’étais qu’au premier jour. Je ne pus rien répondre, ma bouche était asséchée.
– Je ne me suis pas présenté, je m’appelle Marco Bianco, je suis responsable et chercheur à L’INGV, « l’Istituto Nazionale di Geofisica e Vulcanologia » et je suis le référent pour les activités sismiques qui concernent le Vésuve et les Champs Phlégréens, et j’aimerais vous parler.